Voix libres pour la paix

Hier soir, l’association Voix Libres célébrait au théâtre de la Madeleine à Genève ses trente années d’existence. Portée par la personnalité inspirante de la chanteuse Marianne Sébastien, l’association suisse qui a aidé plus de 3 millions de personnes à travers le monde a voulu célébrer la paix, qui en a bien besoin ces temps-ci. Si « la musique adoucit les mœurs », puissent les notes d’hier soir s’étendre à travers le monde, à Gaza, en Ukraine et ailleurs :

Ce mercredi 6 mars, plus d’une centaine de personnes s’étaient données rendez-vous au Théâtre de la Madeleine, en vieille ville de Genève, à partir de 18h30, pour partager un verre avant d’assister à un concert prévu à partir de 20h. Objet de la soirée, célébrer la paix en musique pour le 30e anniversaire de Voix Libres[1], association suisse qui a aidé en trois décennies environ 3 millions de personnes, principalement au départ des enfants des rues en Bolivie, avant de s’étendre dans 11 pays du monde entier.

Marianne Sébastien (au centre) et son équipe, 6 mars 2024 ©Benjamin Joyeux

Tandis que tout le monde s’assoit dans la salle de spectacle peu après 20h, César Corréa[2], musicien d’origine péruvienne, prend place derrière un piano pour égrainer quelques notes. Progressivement, la mélodie s’intensifie et emplit l’espace. Pianiste de renommée internationale, connu pour ses talents d’improvisation, César Corréa ne joue jamais le même morceau mais laisse ses mains voler sur les touches pour y exprimer le lieu et l’instant, comme l’explique ensuite la maitresse de cérémonie Coco Tache[3], journaliste et formatrice suisse.

Puis Marianne Sébastien[4], cantatrice bien connue à Genève, monte sur scène pour témoigner. C’est elle qui est l’origine de l’association Voix Libres, née trente ans plus tôt d’une rencontre avec des enfants des rues boliviens et un prêtre inspirant, le Padre Santiago. La chanteuse explique comment à l’époque, après cette rencontre improbable, elle a décidé de mettre l’ensemble de ses économies d’alors, environ 30 000 CHF, et toute son énergie, dans l’aide et l’accompagnement de ces enfants boliviens abandonnés du monde et vivant dans les décharges et bidonvilles. Reprenant la tâche du prêtre décédé six mois après leur rencontre, Marianne Sébastien insiste sur le fait de n’avoir fait qu’écouter son cœur et sa musique intérieure en aidant ces enfants, puis leurs parents, souvent même en prison, à reprendre en main leur destin cabossé. De quelques dizaines d’enfants survivant dans les ordures, l’association Voix Libres a aidé au fur et à mesure de années de plus en plus de monde, jusqu’à trois millions de personnes. Micro-crédits, initiations au chant, au théâtre, à l’autodéfense, formation en droits humains, au dessin… par une multitude d’activités concrètes, Marianne Sébastien a su redonner confiance et former plusieurs générations d’enfants abandonnés. Elle raconte notamment comment au départ une petite « cathédrale » en carton fabriquée de bric et de broc au milieu d’une décharge bolivienne par quelques personnes est devenue aujourd’hui une ville de 30 000 maisons dans laquelle la solidarité semble opérer. La cantatrice, par son histoire inspirante, rappelle que chacun peut et doit libérer sa voix. Ce qu’elle illustre concrètement en faisant se lever et chanter toute la salle (voir notamment la vidéo ci-dessous).

Après une entracte d’une dizaine de minutes, c’est ensuite Netanel Goldberg qui monte sur scène, seul avec sa guitare. Chanteur et compositeur israélien, celui-ci mène depuis plusieurs années des sessions de cercles de prière et de guérison à travers le monde, en Israël, en Europe et aux Etats-Unis. Doté d’une incroyable voix, sachant monter dans les aigus à la manière d’un Thom Yorke ou d’un Jeff Buckley, celui-ci va faire vibrer et chanter l’auditoire pendant plus de deux heures, avant de faire monter ensuite tout le monde sur scène pour chanter la paix, « salam » et « shalom ».

Netanel Goldberg, le 6 mars 2024 ©Benjamin Joyeux
Tout le monde sur scène à la fin du concert ©Benjamin Joyeux

L’émotion est palpable dans la salle et beaucoup ont alors les larmes aux yeux. La soirée se termine peu après 23h, la plupart des visages croisés au sortir du théâtre de la Madeleine affichant autant de larmes que de sourires. Puisqu’il s’agissait d’exprimer ce soir « la voix du cœur et de la paix », la mission semble accomplie.

« La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l’âme chercher le chagrin qui nous dévore » écrivait Stendhal. Face à la noirceur de l’actualité, aux bombes et aux bruits des bottes, à Gaza, en Ukraine et ailleurs, si la musique peut paraître insignifiante, c’est peut-être au contraire le plus essentiel, une « voix libre » comme le chanterait Marianne Sébastien.

Benjamin Joyeux


[1] Voir https://www.voixlibres.org/

[2] Voir https://www.cesarcorrea.ch/

[3] Voir https://www.cocotache.com/#nouveau-depart

[4] Voir https://ceca.asso.fr/conferenciers/marianne-sebastien/

Publié par Benjamin Joyeux

Journaliste indépendant

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