Chasse : des questions qui restent sans réponses

Par Célia Fontaine

« Nous ne souhaitons nous exprimer sur le sujet ». Après la mort d’un jeune homme de 25 ans, confondu avec un sanglier, le 2 décembre dans le Lot, nous aimerions pourtant bien en avoir, des réponses, de la part des autorités compétentes…

Est-il normal? 

Est-il normal, en 2020, de craindre d’aller se promener dans la campagne ou la forêt, faire du vélo, ramasser des champignons, de sortir près de chez soi, pour couper du bois ? De craindre pour la vie de son cheval ou de son chien, susceptible d’être confondu avec une proie que l’homme armé juge nécessaire d’éliminer ? Ou même craindre d’être tranquillement chez soi, assis dans un train, une voiture, et voir une balle de fusil se planter à quelques centimètres de vous?

Est-il normal, quand on défend la nature et que l’on aime les animaux, de se voir insulté(e), menacé(e) de mort, intimidé(e) par des personnes portant des armes, comme l’expérimente régulièrement le naturaliste Pierre Rigaux?

ONG sans but lucratif, l’ASPAS reçoit de nombreux témoignages édifiants. Par exemple, le 2 novembre dernier, à Laval-Saint-Romain (Gard), une jument est tuée d’une balle dans la tête. La presse relate : “Un chasseur interrogé par les gendarmes prétend avoir visé un chevreuil. Les propriétaires de la jument, qui subissent des agressions et des pressions de la part des chasseurs depuis des mois, sont quant à eux convaincus que l’acte était prémédité. Mon fils de six ans a répété toute la journée “les chasseurs ont tué Jasmine”, et la nuit dernière il ne dormait pas, il pensait qu’ils allaient venir le tuer. Il les a entendus dire à mon compagne : si tu portes plainte, on va te flinguer toi et tes gamins.

Est-il normal d’être condamné à seulement un an de prison ferme lorsque l’on tue un cycliste en le confondant avec un sanglier, quand on sait qu’on risque la prison ferme pour défaut d’attestation pendant le confinement? Ou que l’on a conduit trop vite? Ou encore quand on trafique des peintures?

Est-il normal de pouvoir passer son permis de chasse à 15 ans, alors qu’à cet âge il n’est pas question de voter? De s’acquitter d’une somme dérisoire (46 euros) pour passer l’examen, qui se déroule en une séance? Ou encore de pouvoir se servir d’une arme, sans permis?

Est-il normal de se prétendre « premiers écologistes de France » quand on sait qu’environ 250 millions de cartouches sont tirées par les chasseurs sur le territoire français chaque année (une cartouche possède en moyenne 30 g de plomb) ? De tirer sur des espèces menacées, protégées, en voie de disparition, alors que nous sommes entrés dans une 6e extinction de masse? De poursuivre des animaux en 4×4 ?

Enfin, est-il normal que l’Etat accorde autant de faveurs et réserve autant d’écoute à une Fédération représentant une population de plus en plus décriée par la majorité de nos concitoyens?

Quand on cherche des réponses, et qu’on n’obtient que le silence

Pour essayer de comprendre la réalité sur le terrain dans mon département (la Haute-Savoie), j’ai voulu mener une enquête sur les dégâts réellement causés par le grand gibier aux cultures et aux forêts, qui justifieraient une dérogation au confinement pour les chasseurs.

J’ai donc pris soin de contacter toutes les parties prenantes (Fédération Nationale de la Chasse, Office français de la Biodiversité, Office National des Forêts, Chambre d’Agriculture de ma région, les Jeunes agriculteurs, associations de protection de l’environnement et bien sûr services de la Direction Départementale des Territoires) après avoir consulté les documents librement accessibles au public.

Seules les associations environnementales ont bien voulu me répondre, dans la minute. Mais impossible de mettre la main sur les chiffres récents, et croisés, que je cherchais.

Sur le site chasseurs de France, on peut lire que s’il y a trop de sangliers qui dévastent les cultures, c’est à cause du… réchauffement climatique. Il est étrange de constater qu’il n’est fait nullement mention de la pratique de l’agrainage (voir….) qui pourtant permet parfois aux populations chassées de proliférer, cherchez l’erreur.

Armes et violence : un bien mauvais mélange

Au-delà de la frustration de ne pas pouvoir ouvrir le dialogue et comprendre la réalité du terrain, il est de plus en plus inquiétant de constater que des armes mortelles se trouvent entre les mains de certaines personnes qui ne sont manifestement pas aptes à s’en servir.

Sans vouloir faire de comparaison directe avec les violences policières qui creusent encore un peu plus le fossé entre la confiance des citoyens et les représentants des “forces de l’ordre” anciens “gardiens de la paix”, on peut légitimement s’interroger sur le port d’arme dans notre pays.

A quand une véritable réforme dans notre pays, demandée par des millions de citoyens au travers de nombreuses pétitions? A quand une prise de conscience de l’Etat?

Publié par Benjamin Joyeux

Journaliste indépendant

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