Le 5 avril est officiellement la Journée internationale de la conscience. Ce fut l’occasion pour un collectif d’associations et ONG d’organiser une grande conférence aux Nations Unies à Genève ayant réuni plus d’une centaine de personnes autour d’experts et de témoins de tous horizons. Mais à l’heure du pyrocène[1] et tandis que les menaces semblent grandir de toutes parts, mettant en cause les conditions mêmes de maintien de l’habitabilité de notre planète, on ne peut se contenter d’une journée. Il s’agit d’œuvrer à l’augmentation du degré de conscience de l’humanité autour du triptyque conscience, amour et paix :
Ce mercredi 5 avril, par un beau ciel bleu printanier, plus d’une centaine de personnes se sont réunies dans les locaux toujours en travaux du Palais des Nations Unies à Genève, en salle XXII, pour célébrer ensemble la Journée internationale de la conscience.

Aux origines du 5 avril
Une journée mondiale de plus me direz-vous ? Certes, cependant en remontant aux sources de celle-ci, on peut s’apercevoir à quel point elles résonnent avec les actuels besoins urgents de notre temps. C’est le 25 juillet 2019 que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé dans une résolution[2] le 5 avril comme Journée internationale de la conscience. Pour se faire, l’ONU s’est appuyé notamment sur l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme[3] qui dispose que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Rappelant leur tâche de « préserver les générations futures du fléau de la guerre », les Nations Unies en appellent clairement à promouvoir partout « une culture de la paix ancrée dans l’amour et la conscience».
Que viennent donc faire les notions de « conscience » et d’« amour » dans un texte de droit international ? Et bien justement, c’est tout l’objet de cette journée du 5 avril : s’emparer de ce texte incroyable et prendre aux mots les Nations Unies, et l’ensemble des Etats membres qui en endossent la lettre et l’esprit, pour inciter l’humanité à passer d’une culture de guerre à une culture de paix, d’une culture de compétition à une culture de coopération, d’une culture d’égoïsme à une culture d’altruisme. Car contrairement aux siècles passés, nous savons désormais, appuyés par l’ensemble des découvertes scientifiques, que nous ne formons qu’une seule et même espèce humaine, connectée et interdépendante, pleinement enserrée dans l’échelle du Vivant.
Tous les fléaux que nous observons actuellement, changement climatique, disparition de la biodiversité, méga-feux de forêts, multiplication des guerres, des conflits armés et des répressions des peuples, en Ukraine, en RDC, en Iran, en Afghanistan, au Yémen, dans les territoires palestiniens… jusque dans nos démocraties de plus en plus malmenées par la fermeture des frontières et la montée des violences et des idées d’extrême droite, tout ceci n’a aucun sens au regard de la science. Et nous savons depuis Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». L’humanité se fourvoie et s’autodétruit, et l’ensemble des espèces avec elle, en ne rehaussant pas son degré de conscience individuelle et collective.
Une journée de conscience et de convergence
C’est ainsi que, fort de ce constat sans appel, un collectif d’associations autour de Be The Love[4], du Mouvement de la Paix du Grand Genève[5] et de Jai Jagat Genève[6] a souhaité organiser le 5 avril 2023 cette grande conférence au Palais des Nations Unies à Genève, à l’occasion de la Journée internationale de la Conscience autour d’un nouveau CAP (Conscience, amour, Paix) pour l’Humanité[7].
Après les mots d’accueil de Sofia Strill-River, biographe française du Dalaï Lama et principale initiatrice de cette journée, les débats sont introduits par Bertrand Piccard[8], célèbre psychiatre et explorateur, infatigable promoteur de technologies propres au service de l’environnement. Celui-ci invita en un court message chacun des participants à ouvrir sa conscience en sortant de ses habituels schémas de pensée.

Puis les témoignages d’experts, d’universitaires, de jeunes activistes et de témoins de toutes sortes vont s’enchaîner à un rythme soutenu tout au long de la journée, ponctués de messages vidéo inspirants de personnalités internationales, dont trois prix Nobel : Sa Sainteté le Dalaï-Lama, le Dr Denis Mukwege[9] et feu Wangari Maathai[10]. Toutes insistent sur l’urgente nécessité de changer de paradigme et de niveau de conscience pour faire primer l’amour, la bienveillance et les valeurs du féminin sacré, notamment pour la réalisation des 17 Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, endossés par l’ensemble des 193 Etats membres des Nations Unies le 25 septembre 2015. L’activiste gandhien Rajagopal P.V envoie un message vidéo de soutien depuis l’Inde :
De même que le cacique Ninawa, célèbre chef du peuple amazonien Huni Kuí, depuis le Brésil, ou encore Christiana Figueres, grande architecte de l’Accord de Paris sur le climat (photo). Il est beaucoup question de l’héritage de cette conscience extraordinaire que fut le Mahatma Gandhi, dont les grands principes, ahimsa[11], satyagraha[12], swaraj[13] ou sarvodaya[14] continuent encore de nous inspirer aujourd’hui, comme le souligne Miloon Khotari[15], ex Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement décent, intervenant en milieu de matinée.

Bernard Anselem[16], médecin chercheur en neuropsychologie, fait le point sur les dernières découvertes en neuroscience et l’intelligence émotionnelle de notre cerveau, validée par la science. Louis Derungs[17], jeune neuroscientifique, livre un poignant témoignage. Foudroyé par un choc électrique de 15 000 volts à l’âge de 19 ans, il se réveille après un long coma amputé des deux bras et ne pouvant presque plus marcher. Devenu aujourd’hui conférencier de renom, il a même participé au Marathon des Sables, une des courses les plus dures de la planète. Louis illustre à merveille l’extraordinaire résilience dont est capable l’être humain, un message d’espoir particulièrement inspirant. De même que l’est celui de Barbara Steudler[18], fondatrice de l’association NiceFuture et insatiable promotrice des peuples premiers et de leurs savoirs.

La journée étant dédicacée à la jeunesse du monde, les jeunes activistes pour le climat sont particulièrement bien représentés avec Abigael Kima, militante kenyane pour le climat et spécialiste de l’énergie, Babas Babakwanza, fondateur de Génération Verte 21[19], Gwenivig Cornon, jeune co-réalisateur du film Activist[20], récipiendaire d’un Green Award au Festival de Deauville, ou encore Julia Coulon et Marzia Ronconi du Mouvement de la Paix. La question économique passée au prisme d’une nouvelle conscience en action est également abordée noamment par Sophie Swaton[21], philosophe et économiste suisse, présidente de la Fondation Zoein[22].
Dans l’après-midi du 5 avril, la question de l’éducation à la paix est au cœur des débats, avec l’intervention poignante de Lisa Silvestre, une des initiatrices de la journée, représentante du Mouvement de la Paix du Grand Genève. Celle-ci constate avec beaucoup d’émotion et de lucidité que tandis que les moyens manquent cruellement pour défendre la paix, les dépenses militaires, elles, se portent au mieux, avec notamment 413 milliards d’euros supplémentaires pour les forces armées françaises, d’après la toute nouvelle loi de programmation militaire présentée la veille de la conférence à l’ONU[23]. Emmanuelle Le Du, experte en éducation à la paix, témoigne ensuite, de par son parcours professionnel, de l’importance primordiale de l’éducation à la paix dès le plus jeune âge. Les différentes interventions de l’après-midi sont également ponctuées de méditations guidées inspirantes, comme celle de Sylvie Berti Rossi[24], de l’Institut Heartfulness, qui met en avant le pouvoir de la pensée et de l’intention pour activer la paix en soi et dans le monde.

La journée se clôture peu après 18h, suite à diverses interventions depuis la salle. Beaucoup parmi l’assistance et les intervenant.e.s insistent sur la suite à donner à cette première grande journée du 5 avril consacrée à la conscience. Une convergence est urgente et nécessaire entre les différentes associations et ONG présentes pour promouvoir ce nouveau paradigme non seulement à l’intérieur des institutions onusiennes, mais bien au-delà auprès de la population. Car à mi-parcours des Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, on est encore bien loin de leur réalisation.
Cette journée du 5 avril apparaîtra sans doute comme naïve pour les habituels partisans du cynisme as usual. Mais à y regarder de plus près, elle est au contraire profondément subversive au meilleur sens du terme. Alors qu’en France ces dernières semaines, le dialogue paraît de plus en plus impossible entre le pouvoir en place et les syndicats autour de la réforme des retraites, et tandis que les tensions et les violences ne cessent d’augmenter, l’émergence de ce nouveau CAP (conscience, amour et paix) pour l’humanité pourrait constituer une boussole inspirante. Histoire de redonner du courant au « Pays des Lumières » et surtout de l’espoir aux plus jeunes générations. A l’Elysée, on serait bien inspiré de relire Gandhi et de se rappeler que la France a signé comme l’ensemble des autres états de la planète les 17 ODD de l’Agenda 2030[25] et qu’il y a urgence à préserver le vivant et les conditions d’habitabilité de notre planète. Et en ces temps de débats incessants sur le coût de l’énergie, se souvenir avec Pierre Teilhard de Chardin que : « l’amour est la plus universelle, la plus formidable et la plus mystérieuses des énergies cosmiques ».
Benjamin Joyeux
[1] Lire notamment https://blogs.mediapart.fr/benjamin-joyeux/blog/120620/face-aux-mega-feux-la-foret-un-commun-preserver
[2] https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N19/233/15/PDF/N1923315.pdf?OpenElement
[3] https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
[4] https://www.bethelove.global/
[5] https://www.facebook.com/profile.php?id=100077029654774
[6] https://jaijagatgeneve.ch/
[7] Voir https://www.bethelove.global/
[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Piccard
[9] Voir la remise du Nobel au Dr Mukwege : https://www.youtube.com/watch?v=IUB9btNCSCA
[10] https://fr.wikipedia.org/wiki/Wangari_Muta_Maathai
[11] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ahimsa
[12] https://fr.wikipedia.org/wiki/Satyagraha
[13] https://fr.wikipedia.org/wiki/Swaraj
[14] https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarvodaya
[15] https://en.wikipedia.org/wiki/Miloon_Kothari
[16] Voir https://okaydoc.fr/bernard-anselem-decouvrez-ses-conferences/
[17] Voir https://simoneetnelson.com/annuaire/conferenciers/louis-derungs/
[18] Lire notamment son blog : https://blogs.letemps.ch/barbara-steudler/author/barbara-steudler/
[19] https://generationverte21.com/a-propos
[20] https://activist-film.com/
[21] Lire son blog : https://blogs.letemps.ch/sophie-swaton/
[22] Voir https://zoein.org/
[23] Lire notamment https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/defense-413-milliards-d-euros-pour-l-armee-francaise_5752274.html
[24] Voir https://www.linkedin.com/in/sylvie-berti-rossi-805767b2/
[25] Pour rappel : https://www.agenda-2030.fr/