Prendre soin du vivant en soi et autour de soi et devenir pionnier du nouveau monde

Pour affronter l’explosion des maladies et la dégradation accélérée de notre climat, il est urgent de prendre enfin pleinement conscience de l’interdépendance du vivant en liant notre changement individuel et notre engagement collectif, nos soins internes et nos valeurs externes.

« Quand on est malade, rien ne chante plus fort que l’envie de guérir. » Jean Giono, Le chant du monde

The Lancet Countdown 2021

Le rapport annuel de la fameuse revue scientifique britannique The Lancet vient de sortir le 20 octobre[1]. Publié chaque année depuis l’accord de Paris de 2015, il constitue le document de référence sur les conséquences du changement climatique sur la santé à l’échelle globale. Et ses conclusions pour 2021 sont éloquentes : le réchauffement met en danger les populations les plus fragiles sur la planète, personnes âgées, nourrissons, etc., augmente les risques de pandémie et de maladies infectieuses et fragilise toute la chaîne alimentaire. Bref, la dégradation du climat due aux activités humaines est en train de tous nous rendre malades !

Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous ? Un rapport apocalyptique de plus, après ceux du GIEC, de l’IPBES et de tout ce que le monde compte d’institutions scientifiques sérieuses. La planète va mal, tout le monde le sait ! Raison de plus pour se refermer sur sa sphère personnelle et profiter de sa vie, derrière son écran, sa famille, ses ami.e.s, loin des affres du monde. Consommons sans entrave et dressons nos murs personnels face aux vagues d’angoisse qui nous submergent, qu’elles se drapent dans les oripeaux d’une pandémie, de terroristes, de méga-feux, de canicules, de migrants… 

Le problème de cette posture est tout d’abord qu’elle ne cesse de renforcer les paniques morales et les angoisses identitaires hystériques qui partout nourrissent la « bête immonde » (en France, elle se manifeste dans les délires d’un Eric Zemmour qui, venant doubler la fille Le Pen sur son extrême droite, est en train de salir le peu qu’il reste encore de dignité à nos valeurs républicaines issues des Lumières). Il est ensuite que ce repli sur soi fait fi de tout ce que nous enseigne désormais la science sur la totale interdépendance du vivant. Et en niant cette vérité, nous finissons par tous tomber malades, physiquement comme psychiquement : les canicules tuent, les sécheresses tuent, les incendies et les tempêtes tuent. Mais la dégradation accélérée des conditions d’habitabilité de notre Terre brûle également nos âmes : la solastalgie, ou éco-anxiété, tristesse et détresse psychique causée par la destruction du vivant, ne cesse d’augmenter partout, et en particulier dans les rangs de la jeunesse[2].

Nous ne sommes pas des individus uniques, coupés du reste du monde et guidés par notre seul libre arbitre d’homo economicus hyper rationnel, comme aiment à nous le faire croire tous les marchands et fils de pub. « L’enfer », ce n’est pas « les autres », mais bien plutôt quand nous oublions les autres, y compris les autres espèces.

Moi-même j’ai compris tout cela de façon soudaine et tragique en affrontant à 27 ans, à un âge où la mort n’est qu’une hypothèse d’école, un cancer de la lymphe au stade 4 hyper agressif. Sauvé de justesse, puis totalement guéri, je n’ai eu de cesse depuis près de 15 ans de chercher à comprendre quel enseignement accéléré la maladie m’avait offert. Et la principale leçon fut bien celle de l’interdépendance, de moi-même avec les autres et de tous avec notre « environnement » (terme d’ailleurs inadéquat, comme « biodiversité », car il sous-entend que nous nous en situons en dehors, tels des spectateurs. C’est pourquoi je préfère le terme englobant de « vivant »). Alors que j’étais déjà militant écologiste, je n’écoutais pas suffisamment mon propre corps et mon âme. Mon engagement collectif n’était pas suffisamment aligné avec mes besoins individuels. D’où la décision de devenir végétarien et de ne plus participer au massacre du vivant par mon alimentation, d’où ensuite celle de faire quotidiennement du yoga et de la méditation, d’où les tentatives quotidiennes de mise en œuvre de la maxime gandhienne « sois d’abord le changement que tu veux voir dans le monde ».

Aujourd’hui, de plus en plus de gens s’intéressent à la santé, aux soins en tous genres, aux pratiques de bien être, tant et si bien que ce « marché » se chiffre en centaines de milliards d’euros. En France, le nombre de pratiquants du yoga a par exemple plus que triplé ces dix dernières années. Et c’est très bien ! Mais quand allons-nous enfin faire le lien de façon holistique avec notre alimentation, notre engagement dans des syndicats, des associations, des partis politiques, l’école de nos enfants, notre bout de jardin potager… ? Quand allons-nous lier enfin pratiques personnelles et engagement collectif, soins de notre être intérieur et de notre nature extérieure, respect de nous-même et amour des autres ? A quoi sert-il de rechercher comme les transhumanistes de la Silicon Valley à la Jeff Bezos l’immortalité et les exoplanètes quand notre Terre Mère est en danger ? A quoi sert-il de défendre notre liberté si nous nions celle des autres, en particulier les femmes, hommes et enfants réfugiés qui viennent se heurter aux murs de nos égoïsmes nationaux ? A quoi sert-il d’avoir subi la pandémie de Covid 19 à l’échelle planétaire si c’est pour repartir de plus bel dans la course à la vacuité individuelle et à la destruction collective, tels des enfants pourris gâtés de l’hyper-productivité, civilisation du maxi gaspillage matériel et existentiel ?

Tirons enfin les leçons individuelles et collectives de l’interdépendance en prenant à la fois soin de nous et de notre climat, en ajustant nos comportements internes et externes, de consom’acteurs et de citoyen.ne.s du monde. Cela nous permettra de prendre conscience avec plus d’acuité de tous les changements possibles pour nous guérir de ce tragique « aquoibonisme » qui nous prend aux tripes chaque matin quand on observe la marche du monde.  Ce que nous avons essayé de résumer dans l’ouvrage collectif Devenez pionnier du nouveau monde24 idées fortes pour se changer et changer le monde, coordonné par Laurent Muratet et tout juste édité aux Editions Jouvence. Car il est non seulement possible mais plus que jamais nécessaire d’être le changement. Quand on pense que Vincent Bolloré se réclame des Evangiles… #JDCJDR

Benjamin Joyeux

Journaliste et conseiller régional écologiste d’AURA, membre de la commission santé

[1] Voir https://www.thelancet.com/countdown-health-climate

[2] Lire par exemple https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/angoisse-depression-l-eco-anxiete-l-autre-effet-du-rechauffement-climatique_2093702.html

Publié par Benjamin Joyeux

Journaliste indépendant

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